Il est temps pour une passerelle entre « urbanisme favorable à la santé » et « qualité de vie au travail »

Il est temps pour une passerelle entre « urbanisme favorable à la santé » et « qualité de vie au travail »
L’idée de ce texte part du rapprochement de deux constats simples.
 
Premier constat : jusqu’à présent, l’essentiel des démarches d’évaluations d’impact en santé (EIS) et d’urbanisme favorable à la santé (UFS) engagées en France ont porté sur des projets d’aménagement avec une forte composante résidentielle. Ces démarches sont ainsi souvent associées à de projets de renouvellement urbain (à titre d’exemple, NovaScopia a ainsi appuyé des démarches EIS/UFS à Angers, Nantes, Poitiers, Pierrefitte/Seine…), ou dans le cadre de ZAC, de projets « Cœur de Ville » (comme c’est le cas dans une EIS que nous réalisons à Châtellerault). Dans ces démarches, les publics cibles sont avant tout des habitants ; même quand les démarches ne portent pas en tant que telles sur l’habitat, elles concernent des fonctions à destination des habitants (par exemple : des EIS ciblées sur la réhabilitation d’un groupe scolaire, la recomposition des espaces publics, des espaces verts…).
 
Ce prisme s’explique facilement : les EIS mettent par définition l’accent sur les publics les plus « fragiles », et à ce titre les projets de renouvellement urbain, conçus pour des territoires concentrant des populations défavorisées, sont tout désignés. De plus, le calendrier du NPNRU (Nouveau Programme National de Rénovation Urbaine), et l’entrée en phase de préfiguration de nombreux projets, a correspondu parfaitement avec celui des premiers Appels à Manifestation d’Intérêt (AMI) soutenus par les différentes Agences Régionales de Santé (ARS) à la pointe sur le sujet « urbanisme et santé ».
 
A contrario, à notre connaissance peu de démarches EIS/UFS ont été consacrées à des projets d’aménagement à dominante économique (typiquement : un quartier d’affaires, une zone d’activité industrielle ou logistique, un campus de grosse entreprise…), prenant les actifs comme population cible de l’analyse des impacts sur la santé.
 
 
Deuxième constat : la thématique de la qualité de vie au travail est en pleine émergence. Elle devient un facteur central d’attractivité vis-à-vis des jeunes diplômés ; au-delà d’un salaire et de perspectives d’évolutions professionnelles, l’épanouissement et le bien-être ressenti sur le lieu de travail et l’équilibre vie professionnelle / vie privée sont des critères plébiscités dans le choix d’une entreprise ou organisation. Les entreprises en tiennent compte, et multiplient les initiatives diverses et variées visant à faciliter la vie quotidienne au travail de leurs salariés : création des postes de « responsables du bonheur » (chief happiness managers), création de conciergeries d’entreprises, élaborations de chartes de développement durable / labelisation ISO 26000 (qualité des relations sociales et conditions de vie quotidienne). Ces initiatives, souvent louables, parfois frisant le gadget (ah, les inénarrables baby-foot et espaces de siestes !), ne sont bien sûr pas désintéressées pour les entreprises, qui y trouvent plusieurs avantages : outils d’attractivité et de fidélisation des compétences, vecteur d’affichage de valeurs positives aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur, et finalement contribution à la rentabilité de la structure.
 
Force cependant est de constater que les analyses de qualité de vie au travail restent souvent cantonnées « dans les murs » de l’entreprise, y compris quand elles intègrent une réflexion sur la conception et l’usage des locaux (bâtiments favorables à la santé, choix des matériaux sains, conception des espaces…).
 
 
Face à ce double constat, il nous apparait qu’un chaînon essentiel d’un continuum « qualité de vie / bien-être / santé » reste aujourd’hui à développer : c’est celui de l’environnement territorial favorable à la santé des actifs, ou dit autrement de la qualité de vie au travail étendu à son environnement territorial.
 
Pourquoi ? Parce que la distinction vie privée / vie professionnelle s’estompe de plus en plus : on travaille chez soi (télétravail, consultation en continu de ses outils numériques…) et réciproquement la vie privée se déroule aussi au bureau. La question des liens de sociabilité, déterminant majeur de santé, ne peut pas s’aborder en faisant abstraction des liens professionnels (pour ceux qui ont un travail).
Parce qu’aussi, dans la mesure où l’environnement est un facteur déterminant de la santé des individus, pour des actifs passant en gros 1/3 de leur temps quotidien au travail, l’environnement de ces lieux de travail (qu’ils s’agissent d’usines, des zones d’activités tertiaires, de campus d’entreprises, de pépinières et espaces de coworking…) pèse donc finalement beaucoup sur la santé à terme des personnes les fréquentant.
 
Ce sujet n’est pas pour autant complètement à défricher, voici quelques initiatives dans ce sens sur lesquelles NovaScopia a eu l’occasion de travailler dans le cadre de missions récentes et qui peuvent aider à dessiner les contours d’éléments d’une stratégie d’ensemble :
  • A l’occasion de notre participation au montage du projet de Territoires d’Innovation "Des Hommes et des Arbres" du Grand Nancy, la présence d’espaces verts comme facteur de bien-être au travail a émergé (par exemple, développement de « jardins bien-être » au sein d’immeubles de bureaux, pouvant être reliés à des actions de promotion et de prévention de la santé soutenues par les mutuelles).
  • Dans le cadre d’une mission sur les facteurs de renforcement de l’attractivité vis-à-vis des salariés dans une site d’activité en plein redéploiement (Paris-Villaroche en Seine-et-Marne), parmi les pistes de solutions explorées : quels éléments « partagés / mutualisés » entre les différentes entreprises pourraient favoriser la qualité de vie sur le site (par exemple : création de parcours de marche agréables pour se détendre à midi, faire des réunions en co-walking, pratiquer un peu d’activité physique en plein air…).
 
Comment aller plus loin ?  Nous appelons à deux défis possibles :
  • Et si demain une ARS lançait et soutenait un appel à manifestation d’intérêt « urbanisme et santé » dédié aux quartiers d’affaires / zones d’activités économiques ?
  • Et si demain des entreprises, des mutuelles et des grandes administrations, soucieuses de la qualité de vie, du bien-être et de la santé de leurs parties prenantes, engageaient un programme « organisations favorables à la santé » dans et hors des murs, étendu à l’échelle du quartier ?
Et bien sûr nous vous invitons si vous êtes intéressés à échanger avec nous !
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