Les territoires ne sont pas égaux face à la perte d'autonomie. Chacun à une carte à jouer.

Les territoires  ne sont pas égaux face à la perte d'autonomie. Chacun à une carte à jouer.
« Garder le pouvoir. » - « Rester maître de mes mouvements et de mes idées. » - « Continuer à profiter de mes enfants, de mes petits enfants et même arrières petits enfants». – « Me déplacer, faire mes courses quand le cœur m’en dit » - « Continuer à voir mes amis tout simplement ».
 
Quand on évoque la perte d’autonomie à des personnes de plus de 80 ans, on ne parle quasiment jamais de handicap, de problèmes de santé ou de maladies mais plutôt de « capacité à faire, capacité à se déplacer, à échanger » et de maintien des relations sociales. La notion de perte d’autonomie est polysémique dans la mesure où elle peut faire référence à des capacités physiques et/ou décisionnelles. A y regarder de plus près, cette notion est souvent associée à un public «sénior » sans y prêter une attention tangible aux  facteurs et conditions de la perte d’autonomie. Il n’existe, pour autant, pas de personne âgée « type » comme il n’existe pas de « personne handicapée type ». Cela fausse la donne et crée le sentiment que cette perte d’autonomie est un symptôme inéluctable – maladroitement corrélée au passage en retraite. En définitive, cela illustre surtout un flou persistant sur les moyens d’y faire face et d’apporter des solutions coordonnées à l’échelle d’un territoire.
 
Perte d'autonomie, comment l'apprécier ?
 
 L’étude de Lalive d’Epinay et al. (2008) est une des seules études longitudinales mêlant données quantitatives et qualitatives sur une population d’octogénaires et portant notamment sur la santé, la vie familiale et relationnelle, le soutien social et le recours aux services. La mesure de fragilité repose sur 19 atteintes dans 5 dimensions de la santé :
  • La mobilité (monter et descendre un escalier, se déplacer à l’extérieur du logement, parcourir 200 mètres à pied) ;
  • Les troubles physiques (10 items) ;
  • Capacités sensorielles (lire un texte dans le journal, tenir une conversation à deux, à plusieurs)
  • La mémoire (troubles)
  • L’énergie (sentiment de fatigue et manque d’appétit)
Trois statuts de fragilité sont alors définis :
  • Fragile : connaît des troubles dans deux des 5 dimensions sans avoir de dépendance fonctionnelle (incapacité à accomplir seul une ou plusieurs des 5 activités de base de la vie quotidienne).
  • Dépendant : Présence d’une incapacité dans la vie quotidienne
  • Indépendant : Au maximum une dimension affectée par un trouble et aucune incapacité fonctionnelle.
D’après Morgny (2002), quatre points sont importants pour permettre à la personne âgée de poursuivre une vie sans rupture et sans glissement vers un état dépressif :
‐Le maintien d'un environnement stable avec la participation (si possible) de la personne âgée à toute décision de modification de cet environnement.
‐La réduction du handicap en développant les aides (accompagnateurs, lits médicalisés, etc.)
‐L'assurance d'un maintien de la cohésion sociale, familiale. Préserver le rôle social des personnes âgées, maintenir les échanges intergénérationnels, confier des tâches aux personnes âgées.
‐La prise en compte des différences dans les réponses faites aux personnes âgées : soutien et activités individualisés.
 
Comprendre le profil de fragilités de chaque territoire
 
Etudier les effets de la perte d’autonomie revient à s’interroger sur la place des personnes en situation de fragilité sur un territoire donné. A l’échelle de la France et compte tenu des prospectives socio-démographiques (forte croissance attendue des plus de 80 ans, hausse des maladies chroniques...), ces mutations importantes vont forcément interpeller l’action publique sur les territoires.
Tenter de clarifier un peu la situation s’avère donc légitime. Comment faire pour accéder aux services de santé ? Comment lutter contre l’isolement des personnes ? Quels sont les enjeux de mobilité sur les territoires ? En quoi la fracture numérique peut-elle renforcer les inégalités sociales de santé ? Pourquoi différencier situation de handicap et perte d’autonomie ?
 
Des leviers d'actions à agencer en fonction des contextes locaux
 
Pour y faire face plusieurs leviers d’action sont mobilisables. Ils sont diversifiés et ne sont pas répartis de la même manière sur les territoires. Citons les plus importants : la promotion de la santé (ou la capacité à mieux comprendre les comportements favorables à la santé) ; l’accès aux soins et à la prévention ; les systèmes d’aide (humaine et technique) ; et bien sûr le niveau de participation sociale des personnes et de leurs proches.
 
Décloisonner les réponses à la perte d'autonomie et situations de handicap !
 
Les travaux menés aux côtés des collectivités nous amènent à promouvoir une approche transversale pour mieux prendre en compte les situations de fragilités. Tout d’abord en ne différenciant pas : perte d’autonomie et situation de handicap. Ce prisme d’intervention décloisonne l’offre de service historiquement structurée par publics et par âge. Concrètement, cela revient à associer les acteurs de la santé (du social au médico-social) et de l’habitat/hébergement autour d’une même table.
Une plus grande attention à la parole des usagers, une observation fine des pratiques professionnelles ainsi qu’une prise en compte des atouts et vulnérabilités environnementales sont aussi nécessaires pour mieux coordonner les interventions. Sur le terrain, le renouvellement de  l’offre de service est en cours : augmentation des services d’aide  à domicile pour les personnes en situation de handicap mental; développement de l’hébergement hors-les-murs, réflexion autour des modes d’accompagnement des travailleurs d’ESAT… De nouveaux questionnements émergent : un adolescent présentant des souffrances psychiques peut-il être considéré en perte d’autonomie ? Pourquoi le terme de « milieu ordinaire » est-il de moins en moins usité ?
 
Participation sociale et qualité de service quotidien au cœur des enjeux
 
Les partenaires de NovaScopia soulignent l’importance des facteurs individuels (soutien familial, amical) mais aussi collectifs en étudiant les moyens d’accéder aux actions et activités (culturelles, sportives, culinaires…); En parallèle, un diagnostic de l’offre de santé et du niveau de ressources financières pour y accéder semble nécessaire pour interroger les liens entre démographie médicale et conditions d’attractivité des territoires. En définitive, cela revient à appréhender le niveau de participation sociale et la qualité de service proposées aux personnes en situation de fragilité sur les territoires. Trois échelles de territoires devront alors être appréhendées pour être en phase avec les intérêts personnels, modes de vie et les habitudes des personnes : à l’échelle d’un quartier ; au niveau de la ville ; au niveau de l’agglomération.
 
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